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Grimshade, la renaissance du JRPG ? (TEST PC)

Qu’il est dur aujourd’hui d’être un amateur de JRPG, alors que le désert représentant cette niche vidéoludique – autrefois dominante – se montre de plus en plus aride. Pourtant, quelques touaregs pointent le bout de leur nez depuis quelques années, par l’intermédiaire de l’inévitable scène indépendante, où des fans biberonnés à la sauce Final Fantasy tentent de ressusciter ponctuellement le genre, à la recherche d’une douceur oubliée – presque archaïque. Chaque fois, de belles bandes-annonces et des visuels léchés m’ont mis l’eau à la bouche – cela a été le cas pour Legrand Legacy, Celestial Tales : Old North ou encore pour Battle Chasers : Nightwar – mais chaque fois, la déception n’en fut que plus amère ; un peu comme ce pauvre hère qui croit apercevoir un oasis rafraîchissant au milieu d’un désert ardent, mais qui ne trouve finalement que du sable brûlant à faire glisser entre ses doigts. Que ce soit à cause d’un Gameplay bancal ou d’une narration enchaînant les clichés (lorsqu’elle n’est pas inexistante), ces jeux ont échoué à raviver en moi cette flamme qui se meurt depuis plus d’une décennie. Alors quand je vois Grimshade m’arriver dans ma boite mail, développé par les Russes de Talerock, c’est l’excitation qui se dispute avec la méfiance. Surtout lorsque celui-ci se targue de s’inspirer de la grandiose époque du RPG des années 90, qui a vu sortir pléthore de chefs-d’œuvre ayant ancré, dans l’esprit de toute une génération, des souvenirs indélébiles.

Dur mais injuste

Autant d’emblée casser une première ambiguïté, Grimshade, de par son Gameplay, se rapproche plus d’un RPG tactique moderne que d’un JRPG à l’ancienne. Les combats s’organisent au tour par tour, et sont chaque fois précédés d’une phase où l’on place nos différents personnages sur un pseudo-échiquier de 4×3 cases. Nos héros ne pouvant monter en niveau – il n’y a, en effet, pas de système de points d’expérience ; seulement de nouvelles attaques déblocables grâce à divers artefacts accumulés tout au long de l’aventure – leur placement va devenir primordial, car les ennemis font très mal, et que la moindre petite erreur peut se payer au centuple.

Pour résumer le bazar, dans Grimshade, chaque protagoniste ou antagoniste attend son tour pour lancer une attaque, et celle-ci va avoir un coût en temps, proportionnel à la violence de ladite attaque. Bien logiquement, plus ce coût est élevé, plus le délai pour balancer un nouveau taquet sera long. À cela s’ajoutent un système de couverture (les protagonistes situés en première ligne couvrent ceux, plus faibles, placés derrière eux), d’avoid tokens permettant aux tanks d’esquiver un certain nombre d’attaques durant un tour, ainsi qu’une jauge de tension qui, si elle se remplit, plonge votre personnage dans un profond sommeil pour un certain temps. S’il est plutôt rigolo de voir vos héros se taper une petite sieste en plein combat car ils ont encaissé trop de coups, la combinaison de ces règles fait que chaque affrontement peut s’achever en cuisante défaite, en l’absence d’un sens du timing impeccable. Mais attention à ne pas confondre Gameplay exigeant et profond, avec difficulté mal dosée.

Car Grimshade est dur, très dur, trop dur. Rapidement, chaque bataille va devenir plus compliquée à gagner qu’un casse-tête chinois. Je me suis même demandé s’il était vraiment possible de terminer le jeu dans son mode le plus difficile, tant l’ennemi vous met des baffes à la force incommensurable, là où vos ouailles galèrent à faire tomber un seul adversaire. Le problème, c’est que même en mode normal Grimshade se montre extrêmement retors à parcourir, le moindre péon basique pouvant terrasser votre équipe en claquant des doigts. Reste donc le mode facile, qui porte lui trop bien son nom, puisque le jeu se mue alors en répétitive promenade de santé qui n’oppose plus aucune résistance. D’autant que quand on creuse un peu, les mécaniques du jeu n’ont finalement rien très complexes, puisqu’on finit par employer encore et toujours la même stratégie, en mettant notre tank en première ligne et les unités plus fragiles derrière lui. Monotone.

Niveau scénario, Grimshade commence tambour battant en nous introduisant brutalement diverses factions aux obscures motivations, alors que la ville-état de Brann doit faire face à la tentative d’invasion d’un belliqueux voisin, mais aussi à l’apparition de monstres mystérieux à l’intérieur même des murs de la cité. Tandis que la défense de cette dernière est faiblissante, Alister, jeune homme à la mâchoire aussi carrée que son courage, décide de prendre les armes pour suivre les traces de son père, champion de la ville ayant péri quelques années plus tôt. Son périple l’amènera à parcourir un univers steampunk classique mais cohérent, et à déjouer moult complots.

Mais alors qu’on croit harponner un synopsis solide et accrocheur, l’illusion s’estompe au bout de quelques heures de jeu, tant les twists sont prévisibles et l’écriture maladroite, peut-être pas aidée par une traduction anglaise franchement approximative. La qualité des dialogues alterne alors le correct et le foireux, puisque vos personnages – très génériques – aiment s’entendre éructer des poncifs plats et éculés à tout bout de champ (d’autant que le jeu est très bavard). Alors bien sûr, il y a Ruby, une chef de gang qui rejoint le groupe pour de brumeuses raisons, dont le langage fleuri nous fera timidement sourire ; mais là encore, le tout manque cruellement de spontanéité et de relief.

On retrouve cette fâcheuse bipolarité avec la mise en scène, capable de nous faire vivre des moments grisants, alors qu’à chaque coin de rue de la ville de Brann des combats font rage, et d’autres beaucoup plus pathétiques. En point d’orgue ce moment où ce grand gaillard d’Alister, après une empoignade avec sa tendre maman, décide de courir s’enfermer dans sa chambre pour y bouder ; scène au combien douloureuse à observer, tant elle n’avait aucune raison d’être et tranche avec le protagoniste décrit jusqu’ici. Ces incohérences, on les retrouve aussi lors de nos pérégrinations dans les venelles de Brann. On s’étonne alors de constater que, à l’instar d’une manif de gilets jaunes un samedi après-midi ensoleillé, les citoyens continuent de mener leur petite vie tranquille, tandis qu’a deux pas ont lieu des escarmouches sanglantes entre défenseurs de la cité et envahisseurs en tout genre. Loin de moi l’idée de mettre en doute la résilience des petites gens, mais sortir faire ses courses au marché, alors qu’une guerre a éclaté le jour même, me paraît un chouïa présomptueux et relève même du déni généralisé.

La beauté en cache-misère

Reste alors, dans ce méandre de maladresses, le somptueux coup de pinceau des artistes de chez Talerock. Esquissé avec soin, chaque décor fourmille de détails et prend vie avec une certaine majesté. Pour peu que le joueur soit persévérant malgré les défauts cités, il pourrait alors découvrir certains lieux dégageant un onirisme serein, pouvant susciter quelques moments de vive émotion. Toutefois, il est dommage que la bande-son n’accompagne pas efficacement cet émerveillement rétinien, essentiellement par manque de variété dans les pistes musicales proposées. Enfin, en guise de cerise sur le gâteau, et malgré les nombreuses mises à jour qu’a connu Grimshade depuis sa sortie, de nombreux bugs subsistent, dont certains pouvant freiner allègrement notre progression, au sein de cette oubliable aventure.

Le mot de la fin

Contrairement à ce que peut laisser penser ma plume, Grimshade n’est pas un si mauvais jeu. Il pourra même plaire aux moins tatillons, friands de la moindre reviviscence d’une époque dorée, durant laquelle le jeu de rôle domptait sans difficulté la scène vidéoludique. Non, le vrai problème de Grimshade, c’est qu’il n’est qu’un clone fade et sans saveur – la qualité narrative en moins – de ce qui a déjà été fait et refait, et qu’il me laisse en bouche le goût du regret : celui d’avoir cru, encore une fois, à ce mirage certes habillé avec grâce, mais dont la beauté n’était qu’illusoire. Mais peut-être est-ce à moi de travailler sur mon deuil et d’accepter ces jeux tels qu’ils sont, c’est-à-dire des hommages, et rien de plus, à une époque révolue.

Les plus : La superbe direction artistique ; La durée de vie

Les moins : La difficulté abrutissante ; La répétitivité ; La narration trop perfectible

Fiche du jeu

Titre : Grimshade
Style : RPG
Développeur : Talerock (RU)
Éditeur : Asterion Games 
Sortie : Le 26 mars 2019
Plateformes : PC/Switch
Prix : 16.99
Langues : textes en anglais
Site officiel : https://www.facebook.com/grimshadegame/
Informations à jour au 29 avril 2019

Clé cd offerte pour la réalisation du test

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